Chapitre 2 : Une perte pas comme les autres
Effets sur les pensées et les émotions
Si seulement j’avais su, j’aurais pu agir autrement.C’est correct de ressentir de la colère et de l’incompréhension, et de ne pas avoir toutes les réponses.
Quand mon frère est mort, le vide s’est enfin fait dans ma poitrine. Les sentiments de chaos et la crainte du pire qui m’habitaient en permanence sont partis.
Le deuil influe sur les pensées et les émotions. Un deuil associé à un décès par suicide peut sembler différent des autres pertes. Il peut être plus long ou plus complexe, et s’accompagner d’émotions intenses et de pensées douloureuses. Vous vous demandez peut-être pourquoi la personne s’est enlevé la vie. Vous pourriez vous reprocher des choses, ressentir une certaine culpabilité ou vous poser toutes sortes de questions sans réponse. Vous avez peut-être du mal à comprendre ou à accepter certaines de vos émotions, comme le soulagement ou la colère envers la personne décédée.
Comme le suicide est encore stigmatisé, ce décès heurte peut-être vos convictions et opinions – ou celles des autres – au sujet de la personne ou de son geste. La nature publique du suicide, qui entraîne l’intervention des secours, des médias et de la police, peut aussi sembler très envahissante.
Il n’est pas toujours facile d’exprimer des choses comme les regrets, la colère, la honte ou la peur, mais il est important de savoir qu’elles sont normales. Voici quelques exemples d’émotions et de pensées courantes tirées de l’expérience de personnes dont un proche est décédé par suicide. Cliquez sur les flèches pour voir les exemples.
La première chose à faire surface est souvent le choc ou l’incrédulité. Vous avez peut-être l’impression de ne rien sentir du tout. Bien qu’il puisse faire peur, cet abattement peut vous aider à fonctionner en période de stress élevé.
Vous pourriez :
- Vous sentir responsable de la mort de la personne et vous la reprocher.
- Ressasser les événements qui ont mené au décès (possiblement avec une nouvelle perspective sur les événements).
- Repenser à des désaccords ou à des conflits antérieurs, à des projets non réalisés, à des messages laissés sans réponse, à des choses qu’il aurait fallu dire ou taire.
- Penser que vous ne connaissiez pas la personne aussi bien que vous l’auriez cru ou que vous auriez dû.
- Avoir l’impression d’avoir laissé tomber la personne : de ne pas l’avoir suffisamment aidée ou de ne pas avoir été à la hauteur.
- Vous sentir coupable quand vous vivez des moments heureux par la suite.
Perdre un proche de façon soudaine ou violente ouvre la porte à la colère et à la rage. Par exemple :
- Vous pourriez en vouloir à un établissement (p. ex. hôpital), à quelqu’un (amis, famille, vous-même) ou à une puissance supérieure d’avoir laissé tomber votre proche.
- Vous pourriez en vouloir à la personne décédée de ne pas avoir assez demandé d’aide ou su prendre soin d’elle-même. Vous ressentez peut-être aussi de la colère parce que vous avez l’impression d’avoir vécu un abandon.
- Votre colère ou votre rage peuvent aussi vous sembler diffuses, sans cible particulière.
Une mort soudaine ou inattendue peut amplifier votre anxiété et vous faire craindre que les autres soient en danger. Après un décès par suicide, il est possible qu’un rien vous fasse sursauter. Vous ressentez peut-être de l’inquiétude si les autres membres de votre famille ne vous donnent pas de nouvelles. Vous craignez peut-être aussi d’autres suicides dans la famille. Il est normal, après avoir vécu une situation sur laquelle vous n’aviez pas la capacité d’agir, que ce genre de craintes persistent ou reviennent pendant un certain temps.
La personne décédée comptait peut-être beaucoup pour vous. C’était peut-être un parent que vous admiriez ou encore la personne qui partageait votre vie, en qui vous aviez confiance et sur laquelle vous comptiez. Peut-être que cette personne s’occupait de vous ou subvenait à vos besoins. Si c’est le cas, il se peut que sa mort suscite chez vous des sentiments de rejet, d’abandon et d’infériorité. Quel que soit votre âge, les sentiments d’abandon et de rejet sont pénibles.
Le suicide peut attirer bien des jugements. Les questions des autres (p. ex. « Tu ne te doutais de rien? ») peuvent faire très mal et alimenter un sentiment de honte. Comme le suicide est encore stigmatisé, vous ressentez peut-être aussi le jugement de la société. Se faire dire que le suicide est « un geste égoïste et lâche », par exemple, est une accusation profondément blessante. En conséquence, vous préférez peut-être éviter le sujet.
Vous avez peut-être l’impression qu’un chapitre difficile de votre vie est enfin terminé, surtout si vous vous occupiez d’une personne aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de dépendance depuis un certain temps. Sa mort pourrait vous avoir amené un certain sentiment de paix ou de soulagement.
Il y a peut-être des moments où vous ne sentez rien du tout, et d’autres où une vague d’émotions diverses vous submerge. Si vous ressentez des émotions contradictoires (tristesse et colère, soulagement et culpabilité), vous ne comprenez peut-être pas pourquoi. C’est ce que certains appellent une « tempête d’émotions », ce qui peut donner l’impression d’une perte de contrôle.
Quelques idées...
- N’oubliez pas que vos pensées et émotions font partie d’une réaction normale à la mort de la personne. Si elles vous surprennent ou vous troublent, souvenez-vous que le deuil d’une personne décédée par suicide est différent des autres types de deuils.
- Reconnaissez le fait que votre deuil prendra sans doute plus longtemps que ce que vous (ou les autres) pensiez. Essayez de faire preuve de patience et de vous donner le temps d’absorber ce qui s’est passé.
- Demandez l’aide de personnes qui vous écouteront sans porter de jugement (p. ex. ami.e, membre de la famille ou groupe de soutien pour les proches de personnes décédées par suicide).
- Si vous n’arrivez pas à vous en sortir et avez l’impression de vous enliser dans votre deuil ou les pensées et émotions difficiles, allez chercher de l’aide auprès d’un.e spécialiste en accompagnement du deuil après un décès par suicide.
Ressources utiles